🧧 Taipei à portée de main

Cette semaine : beaucoup de raisons d'aller au cinéma, à commencer par une rétrospective Edward Yang qui se sera faite attendre !

🧧 Taipei à portée de main

C'est l'heure de la toute première livraison de 🧧 HONGBAO, votre newsletter consacrée au cinéma d'Asie ! Cette semaine : beaucoup de raisons d'aller au cinéma, à commencer par une rétrospective Edward Yang qui donne le coup d'envoi d'un été qui sera chaud et taïwanais.


🗓️ PLANNING CLAIR POUR SALLES OBSCURES

Votre rubrique dédiée aux sorties de la semaine (la semaine qui arrive, mercredi qui vient là, ce mercredi, dans un cinéma près de chez vous !)

Cold Case à Fentun - 1997 : une vague de meurtres non élucidés frappe une ville chinoise. Huit ans plus tard, un flic proche d'une des victimes rouvre l'enquête. C'est le pitch du thriller Des Feux dans la plaine, la première réalisation de Zhang Ji, le chef op' de Diao Yinan qui produit d'ailleurs le film. Au casting, on retrouve deux visages connus des cinéphiles sinophiles : Zhou Dongyu et Liu Haoran, récemment à l'affiche de l'excellent Un Hiver à Yanji. Des feux dans la plaine arrive cette semaine dans nos salles grâce au distributeur Memento qui organise d'ailleurs plusieurs avant-premières chez mk2 (Paris) le mardi 8 juillet.

C'est malin de sortir ça après le bac - Avec son premier long métrage, Arnon, un élève modèle, le réalisateur Sorayos Prapapan signe une critique au vitriol de l'autoritarisme thaïlandais en milieu scolaire. Arnon est un élève brillant inscrit dans l'une des meilleures écoles de Bangkok. Un jour, il fait la rencontre de Bee, un délinquant qui a mis en place un système pour permettre à ses camarades de classe de tricher aux examens d'entrée, moyennant finance. Arnon découvre alors la corruption qui ronge le pays tout entier. C'est Contre-jour qui nous propose cette sortie qui n'est pas sans rappeler le Bad Genius de Nattawut Poonpiriya.

Jamais deux sans trois - Wang Bing boucle sa trilogie documentaire Jeunesse avec un troisième volet nettement plus court que les précédents : seulement 2h30 en compagnie des ouvrier·ères du textile de Zhili. Dans Retour au pays, la cacophonie des machines à coudre cède la place à celle des pétards du nouvel an ; mais les sourires masquent mal l'épuisement des travailleur·euses d'une Chine déjà malade du capitalisme il y a 10 ans. Je ne saurais que trop vous conseiller ce monument du cinéma, distribué en France par Les Acacias. À noter que le cinéaste sera au mk2 Beaubourg (Paris) le 9 juillet à 20h00 pour présenter son film.


🙇‍♀️ PIÉTÉ FILIALE

C'est la rubrique consacrée aux rétrospectives, aux cycles thématiques et aux classiques en tous genres : le cinéma de patrimoine, si vous préférez.

Enfin un peu de cinéma à la Cinémathèque - Enfin ! Après Taipei et New York, c'est au tour de Paris d'accueillir une rétrospective des films d'Edward Yang, le maître du cinéma taïwanais disparu il y a près de vingt ans. Ce sera donc la Cinémathèque française qui aura l'insigne honneur de diffuser les restaurations de ces œuvres majeures de la nouvelle vague taïwanaise du 9 au 17 juillet. N'ayez crainte si vous ne pouvez pas (ou ne voulez pas) vous rendre à la Cinémathèque : Carlotta Films prépare des sorties en salle au fil de l'été pour Mahjong, Confusion chez Confucius et Yi Yi. J'aurai donc l'occasion de vous en reparler plus en détail !

Deux dimensions, beaucoup d'émotions - Toujours à la Cinémathèque (décidément), le cycle qui célèbre le cinéma d'animation japonais continue de battre son plein. Au programme cette semaine :

Rendez-vous la semaine prochaine pour la conclusion de ce cycle haut en couleur.

Dernier train pour la Part-Dieu - De son côté, l'Institut Lumière (Lyon) poursuit sa rétrospective dédiée au cinéma sud-coréen, avec une programmation certes classique mais extrêmement qualitative. Cette semaine, les lyonnais·es pourront (re)découvrir :

Ça fait déjà pas mal de classiques à aller voir mais ce n'est pas fini puisque le cycle continue jusqu'au 20 juillet inclus.

Des nouvelles de l'archipel - Retour à Paris (et après on s'arrête parce que ça fait beaucoup là non ?) : la Maison de la Culture du Japon poursuit sa rétrospective des films de Shunji Iwai jusqu'à samedi 12 juillet inclus. C'est l'occasion de découvrir de nombreuses œuvres trop peu connues en France, à 6 euros la place. Je vous laisse découvrir le programme juste ici.


📺 WE HAVE FILM AT HOME

C'est ici que vous retrouverez l'actualité des sorties sur les plateformes de VOD et SVOD mais aussi les éditions physiques de vos films préférés, parce que tout le monde ne peut pas aller au cinéma !

C'est nos impôts qui paient ça - Sauvé in extremis d'une réforme mortifère, l'audiovisuel public accueille ce mois-ci un film du célèbre studio Ghibli, entre deux collab' Uniqlo. Il s'agit d'Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs de Hiromasa Yonebayashi, qui rejoint ainsi Le Royaume des Chats et Mes Voisins les Yamada sur france.tv cinéma. Ne tardez pas trop : si Arrietty vient tout juste d'arriver, les deux autres quittent la plateforme le 12 juillet prochain. Tout ceci est bien entendu entièrement gratuit*, n'en déplaise à notre ministre de la Culture.

*Oui je sais que ce n'est techniquement pas gratuit parce que les services publics sont financés par le budget de l'État et donc en partie par nos impôts mais on se comprend.

Avant Hallyuwood - Le cinéma sud-coréen du siècle dernier est relativement méconnu à l'étranger et assez inaccessible par ailleurs, faute de copie exploitable ou de traduction. Il est donc louable que Carlotta Films ait fait l'acquisition de restaurations de deux films de Jang Sun-woo : A Short Love Affair et Fantasmes, désormais disponibles en Blu-ray. Attention toutefois : je n'ai pas vu Fantasmes mais ça a l'air d'être très très étrange. Et si vous souhaitez plonger encore plus profondément dans le cinéma de patrimoine sud-coréen, la chaîne YouTube de la Korean Film Archive constitue une véritable mine d'or qui devrait vous occuper très longtemps.

Stanley au royaume des femmes - Toujours chez Carlotta : après l'excellent coffret Le Romantisme made in Hong Kong, c'est Women de Stanley Kwan qui viendra garnir les rangs de votre filmothèque idéale en Blu-ray dès le 2 septembre prochain. Il s'agit du premier long métrage du cinéaste hongkongais dans lequel Chow Yun-fat trompe Cora Miao avec Cherie Chung. Quelle idée... C'est d'ores et déjà disponible en précommande.

Sortez les violons - Elle est passée presque inaperçue parmi les nombreuses annonces du distributeur All The Anime à Japan Expo : l'édition Blu-ray du tout premier long métrage de Makoto Shinkai, La Tour au-delà des nuages, arrivera en fin d'année 2025 dans nos lecteurs.


🔮 VISION DE L'AVENIR

Je vois... une avant-première dans une salle de cinéma près de chez vous...

Vous l'aurez 🐈‍⬛ déjà vu - Le mk2 Bibliothèque (Paris) organise une avant-première du film En boucle de Junta Yamaguchi, ce jeudi 10 juillet à 20h00. Dans ce film, les employé·es et les client·es d'une auberge de montagne se retrouvent piégé·es dans une boucle temporelle et œuvrent collectivement pour échapper au phénomène qui se répète toutes les deux minutes. Le dispositif tout en caméra à l'épaule et plans-séquences fonctionne super bien et je vous encourage vivement à le découvrir en salle. Si vous ne pouvez pas assister à l'avant-première, le distributeur Art House Films a d'ores et déjà annoncé une sortie nationale pour le 13 août prochain.

Edgar de la Cambriole - Le réalisateur Takeshi Koike profite de sa venue à Paris pour Japan Expo et fait un crochet par l'UGC Les Halles pour présenter une séance spéciale de son nouveau film : Lupin III - La Lignée Immortelle. C'est demain, lundi 7 juillet, à 20h15. Ce coup-ci, notre héros se rend sur une île mystérieuse en quête d'un trésor de légende : du jamais vu dans l'histoire de l'animation japonaise. La billetterie est déjà ouverte. Attention : si vous ratez cette avant-première organisée par Eurozoom, il faudra attendre le 12 novembre pour découvrir le film en salle.

Didi, mon petit frère - Encore une avant-première parisienne : Didi* de Sean Wang marque le grand retour de Joan Chen au cinéma et sera projeté au mk2 Quai de Loire le mardi 8 juillet à 20h00. On s'en reparle très vite comme il sort littéralement la semaine suivante au cinéma.

*Oui je parle aussi des films de la diaspora, vous allez faire quoi ? Rien.


📣 DAZIBAO

C'est la partie politisée de la newsletter, celle où votre humble servante donne son avis sur tout ce qui gravite autour du cinéma d'Asie : un billet d'humeur, à défaut d'un billet de banque.

La nostalgie comme arme ultime du patriotisme à marche forcée - Humans Rights Watch a publié un rapport (en anglais) sur la violente attaque menée par le gouvernement chinois sur les libertés individuelles à Hong Kong, depuis la promulgation il y a cinq ans de la nouvelle loi de sécurité nationale. On parle de sérieuses atteintes aux libertés d'expression et de rassemblement, mais aussi d'un patriotisme forcé : le gouvernement hongkongais purge peu à peu ses éléments démocrates pour les remplacer par des bureaucrates pro-chinois. Négationnisme dans les écoles et répression dans les rues sont devenus le quotidien des hongkongais·es : les activistes paient le prix fort s'iels s'opposent au régime en place.

Comme tout le reste de la société, l'industrie du cinéma a été contrainte de s'adapter au nouveau système chinois. Plutôt que de soutenir les nouvelles voix qui émergent ça et là, le gouvernement mise tout sur la nostalgie. S'il parvient à raviver l'étincelle de la gloire passée des studios, de l'Âge d'Or comme certains l'appellent en occident, alors Hong Kong redeviendra un atout pour le soft power chinois. Ce n'est sans doute pas un hasard si le catalogue de Golden Princess, resté sous clef pendant si longtemps aux mains d'un conglomérat immobilier, est soudain redevenu accessible. Dans un élan réactionnaire, on veut redynamiser le tourisme d'une ville dont l'image a été écornée par des années de manifestations et de brutalité policière, mais aussi faire de l'argent avec ce trésor de propriété intellectuelle. On romantise de vieux repères culturels pour empêcher les hongkongais·es d'en créer de nouveaux.

On cherche à recapturer ce qui faisait jadis du cinéma hongkongais un fer de lance de l'innovation, et toutes les vieilles gloires de l'industrie accourent pour faire revivre un cinéma qu'ils pensaient perdu à jamais. Pourtant, à trop regarder en arrière, Hong Kong tout entier s’essouffle et s'encroûte. Que restera-t-il lorsqu'on aura recyclé jusqu'à plus soif un Âge d'Or achevé depuis bientôt trente ans ? Quelques coffrets collector et des rétrospectives à l'autre bout du monde, là où le bruit des bottes est encore suffisamment diffus pour que le cinéma puisse exister autrement que sous perfusion étatique.

Soutenons le cinéma hongkongais tant qu'il existe, et pas seulement celui des VHS, des néons et de John Woo : un peuple a besoin d'un cinéma qui parle de ce qui se passe aujourd'hui, pas il y a quarante ans.


📰 L'EXPRESS DE CHUNGKING

Vous êtes arrivé·e à la fin de la newsletter : bravo ! Si vous êtes toujours là, c'est que vous aimez lire. Je profite donc de cet ultime espace de parole pour vous conseiller un livre ou un article que j'ai trouvé intéressant cette semaine.

À l'Est, rien de nouveau - ChinaFile a publié un papier (en anglais) sur Ikram Nurmehmet, un réalisateur ouïghour fait prisonnier politique en Chine l'an dernier, dont les films sont aujourd'hui inaccessibles. Dans son article, Shelly Kraicer revient sur les difficultés que rencontrent les cinéastes du Xinjiang et passe en revue quatre courts métrages de Nurmehmet.


C'est tout pour aujourd'hui ! 🧧 HONGBAO n'en est encore qu'à ses débuts, n'hésitez donc pas à me donner votre avis sur Bluesky ou sur Discord. Vous pouvez aussi tout simplement répondre à cet e-mail. Chaque retour est précieux, chaque suggestion est utile. Idem si vous avez des questions ! Excellente soirée, et bon courage pour votre semaine.