🧧 Korean Fried Chicken

Au programme cette semaine : un film noir taïwanais, la sélection de la Mostra de Venise et un pamphlet contre l'IA générative.

🧧 Korean Fried Chicken

On ne les attendait plus : Park Chan-wook et Yoon Ga-eun sont enfin de retour pour le plus grand bonheur des festivaliers de Venise et de Toronto qui s'apprêtent à déguster un savoureux millésime de poulet 🍗 sud-coréen.


🗓️ PLANNING CLAIR POUR SALLES OBSCURES

Votre rubrique dédiée aux sorties de la semaine (la semaine qui arrive, mercredi qui vient là, ce mercredi, dans un cinéma près de chez vous !)

Amère Baston - Sur les talons de son très bon Taipei Suicide Story, le réalisateur américano-taïwanais KEFF signe cette fois-ci son premier long métrage : Locust. Renommé Gangs of Taiwan pour le marché français*, le film met en scène un jeune employé de restaurant qui arrondit ses fins de mois comme homme de main pour des malfrats de Taipei. Loin du film de gangster bas du front, Locust invoque ici et là les grands maîtres taïwanais comme Edward Yang et Chung Mong-hong tout en proposant un film noir très ancré dans le contexte social du pays et de la gentrification à marche forcée de sa capitale : un rappel salutaire que la violence est toujours l'apanage des riches et des puissants.

*On aura au moins échappé à Very Bad Taipei.

Sakamoto Plays - C'est le chant du cygne d'un homme qui se savait condamné : Opus de Neo Sora, une captation d'un récital de piano de l'immense compositeur japonais Ryuichi Sakamoto quelques mois avant qu'il ne décède d'un cancer. Au terme d'une carrière de près de 50 ans, il laisse derrière lui une discographie aussi éclectique que fabuleuse, d'abord au sein du groupe Yellow Magic Orchestra puis en tant qu'artiste solo, au cinéma bien sûr mais aussi pour l'industrie du jeu vidéo. C'est un pilier de la musique japonaise contemporaine qui s'est éteint et cet ultime concert d'une vingtaine de pièces de piano arrangées expressément pour l'occasion promet beaucoup d'émotions à celleux qui le découvriront en salle.


🏆 L'APPLAUDIMÈTRE

Toute l'actu des festivals de cinéma, petits et grands, avec un minutage extrêmement précis des standing ovations (non)

Poulet à la vénitienne - C'était la suite logique de l'annonce du jury la semaine dernière : Alberto Barbera, le directeur artistique de la Mostra de Venise, a annoncé la longue liste des films qui seront présentés lors de l'édition 2025 du festival. Cette année, les festivaliers pourront notamment découvrir Girl, la toute première réalisation de l'actrice taïwanaise Shu Qi, mais également le très attendu Scarlet de Mamoru Hosoda dont la sortie est prévue pour cette fin d'année. De son côté, Tsai Ming-liang mettra la patience du public à rude épreuve avec Back Home, un documentaire tout en plans fixes sans dialogue. Kaouther Ben Hania sera quant à elle sur place pour présenter The Voice of Hind Rajab, le récit du massacre d'une famille palestinienne par l'armée israélienne à Gaza. Enfin, Park Chan-wook fera son retour avec son équipe habituelle pour Aucun Autre Choix (No Other Choice) : le compositeur Jo Yeong-wook, la décoratrice Ryu Seong-hie, la costumière Kwak Jung-ae et le monteur Kim Sang-bum. Devant la caméra, on retrouvera Lee Byung-hun (JSA) et Son Ye-jin (Crash Landing On You).

All Yoon needs is love - On l'attendait depuis six longues années : le nouveau film de la réalisatrice sud-coréenne Yoon Ga-eun sera projeté pour la toute première fois au Festival de Toronto en septembre prochain. Ce troisième long métrage, intitulé The World of Love, ne devrait pas déroger aux habitudes de la cinéaste puisqu'on y suivra le récit initiatique d'une adolescente en milieu scolaire. C'est par ailleurs sa troisième collaboration avec l'actrice Jang Hye-jin (Parasite). On espère une programmation en fin d'année au Festival du Film Coréen à Paris, à défaut d'une distribution en bonne et due forme des œuvres de celle qui filme aussi bien l'enfance que l'illustre Hirokazu Kore-eda. En attendant, vous pouvez toujours rattraper les excellents The World of Us et The House of Us sur AsianCrush si vous voyagez ⛰️ aux États-Unis...

Tous·tes au Forum - On conclut cette rubrique avec une annonce qui fera plaisir au public francilien du Forum des Images, contrairement aux réductions d'effectifs annoncées en juin dernier : l'Étrange Festival reviendra pour nouvelle édition du 2 au 13 septembre 2025. Si on ne connaît pas encore la programmation, on l'imagine comme d'habitude axée sur un cinéma de genre, atypique et horrifique. En 2024, les spectateur·ices du festival avaient notamment pu découvrir le très chouette Escape from the 21st Century de Yang Li, dont la sortie française est toujours prévue pour le 27 août prochain.


🙇‍♀️ PIÉTÉ FILIALE

C'est la rubrique consacrée aux rétrospectives, aux cycles thématiques et aux classiques en tous genres : le cinéma de patrimoine, si vous préférez.

Le Pélo et la bête - Si vous êtes lyonnais·e et que vous avez déjà fait le tour des restaurations des films de Mamoru Hosoda actuellement diffusées en salle, vous serez heureux·se d'apprendre que Le Garçon et la bête sera projeté en plein air le 29 juillet à 21h45, place Ambroise Courtois. C'est l'occasion de communier avec d'autres esthètes du cinéma d'animation japonais au doux son du piano de Masakatsu Takagi.


📺 WE HAVE FILM AT HOME

C'est ici que vous retrouverez l'actualité des sorties sur les plateformes de VOD et SVOD mais aussi les éditions physiques de vos films préférés, parce que tout le monde ne peut pas aller au cinéma !

Torgnoles et serviettes - En attendant l'arrivée dans nos salles et dans nos salons du catalogue de Golden Princess, Shout! Studios nous pousse à la faute dès cette semaine avec l'arrivée de son coffret de cinq films avec Jet Li en Blu-ray 4K. Au programme : The Defender, La Légende de Fong Sai-yuk 1 et 2, Tai-Chi Master, et Fist of Legend. Si vous aimez les films de baston de Corey Yuen, Yuen Woo-ping et Gordon Chan, vous en aurez pour votre argent. Je rappelle à toutes fins utiles que ces disques fonctionnent sans problème sur les lecteurs français dans la mesure où les Blu-rays 4K ne sont jamais zonés et qu'il est possible de les commander dans toutes les bonnes boutiques d'import.

Il fait Shaw - De son côté, le distributeur australien Imprint va régaler les amateur·ices de cinéma hongkongais avec trois sorties estampillées Shaw Brothers limitées à 1500 exemplaires chacune. Vous aurez peut-être reconnu la regrettée Cheng Pei-pei sur la photo. Elle tient le rôle principal du premier des trois films en question : Les Griffes de Jade de Ho Meng-hua. The Weird Man est quant à lui une adaptation des Trois Royaumes par l'illustre cinéaste Chang Cheh. Enfin, les fans de bagarre au féminin pourront découvrir Les 14 Amazones de Cheng Kang, un film lauréat de nombreux Golden Horse Awards. Là encore, ça vient de loin mais les Blu-rays australiens fonctionnent parfaitement chez nous car ils sont zonés B. Et si vous n'en avez toujours pas assez : les précommandes de septembre d'Imprint Asia viennent de tomber.

La jeunesse touche à sa fin et le jeûne touche à la faim - Nous y sommes : le JFF Theater s'apprête à effectuer sa mue trimestrielle. Ce ne seront pas moins de six nouveaux films japonais qui rejoindront la plateforme dès le 1er août et seront disponibles gratuitement en version originale sous-titrée jusqu'au 31 octobre. Cette fois-ci, les films auront pour thèmes le milieu scolaire et la cuisine japonaise. Voici la liste complète, pour vous mettre en appétit :


📣 DAZIBAO

C'est la partie politisée de la newsletter, celle où votre humble servante donne son avis sur tout ce qui gravite autour du cinéma d'Asie : un billet d'humeur, à défaut d'un billet de banque.

Recel, écocide et révisionnisme - C'est une véritable gangrène. Il ne vous aura sans doute pas échappé que la technologie que les milliardaires de San Francisco appellent intelligence artificielle est en train de creuser son trou dans chaque aspect de nos vies désormais bien trop connectées. Ces modèles de création d'images, de texte et de vidéo polluent nos espaces virtuels autant que notre planète fatiguée. Du gouvernement français au cinéma indien, la promesse d'un outil de création rapide, gratuit et simple d'utilisation semble avoir séduit l'ensemble de la société. Cette omniprésence génère des vocations : le secteur brasse tellement d'argent que les meilleur·es étudiant·es du monde entier se tournent tout naturellement vers le secteur, à l'image de cette lycéenne algérienne.

Pourtant, le coût de cette technologie est bien réel : humain tout d'abord puisque ce sont les travailleur·euses du Sud global qui alimentent la machine, écologique ensuite puisque cette technologie consomme énormément d'eau et rejette des quantités astronomique de CO2 dans l'atmosphère, culturel par ailleurs puisque les œuvres d'artistes humain·es sont pillées pour produire le contenu en question, sociétal enfin puisque ces logiciels désinforment, surveillent et assassinent. Nous sommes entré·es dans une nouvelle ère du techno-fascisme dont l'unique issue ressemble de plus en plus à un jihad bultérien.

On pourrait alors s'attendre en toute logique à un rejet en bloc de ces technologies par les acteur·ices de l'industrie culturelle, et du cinéma au premier chef. Néanmoins, la réalité est bien moins reluisante : on altère des films contre la volonté de leurs créateur·ices quitte à modifier la signification des œuvres tandis qu'on clone ou qu'on rajeunit des comédien·nes avec ou sans leur accord, ceci sous le regard complice de tout un pan de la sphère médiatique bien trop heureuse de son nouveau miracle SEO.

Parfois même, ce sont les distributeurs comme Art House qui s'amusent à singer les créations du studio Ghibli sans leur accord à l'aide d'Open AI. Quand ce ne sont pas les costards cravates des studios qui massacrent les œuvres, ce sont les artistes elleux-mêmes qui scient la branche sur laquelle iels sont assis·es. Que dire de l'ambivalence d'une figure majeure comme James Cameron vis à vis de cette technologie ? Ou bien de son utilisation par Jia Zhang-ke, celui que l'on considère pourtant comme le sale gosse de la sixième génération des cinéastes chinois ?

Que dire alors ? Eh bien peut-être qu'il serait temps de mettre un terme à cette folie tant qu'il est encore temps. Je vous parlais la semaine dernière dans Dazibao du recyclage ad nauseam qui plombe le polar chinois, mais le recyclage a pour principal avantage de produire quelque chose d'utile. Avec l'IA générative, on régurgite plus qu'on ne recycle. Ces machines, par essence, ne comprennent rien à l'art qu'elle broient, tordent, mélangent et recrachent. Et chacune de leurs créations abjectes s'ajoute à la pile pour ensuite être ruminée à son tour. Que restera-t-il de notre culture dans quelques années quand ces imbroglios de pixels seront plus nombreux que les œuvres originales, quand la source d'art aura tari ? Avatar 8 avec une jeune Sigourney Weaver clonée par Skynet, peut-être : qui a envie de voir ça ?


📰 L'EXPRESS DE CHUNGKING

Vous êtes arrivé·e à la fin de la newsletter : bravo ! Si vous êtes toujours là, c'est que vous aimez lire. Je profite donc de cet ultime espace de parole pour vous conseiller un livre ou un article que j'ai trouvé intéressant cette semaine.

One Labubu a day keeps the delulu away - Une fois n'est pas coutume, j'avais envie de vous recommander une vidéo dans cette rubrique habituellement consacrée aux livres et aux articles de presse. Aini est une vidéaste australienne d'origine chinoise spécialisée dans l'étude des cultures et des sociologies d'Asie de l'Est. Dans sa nouvelle vidéo, elle revient sur un phénomène venu de Chine dont vous avez sans doute entendu parler si vous fréquentez des gens avec des sacs à main / à dos : Labubu.


🧧 HONGBAO c'est fini pour aujourd'hui ! (ohhh) Mais ça revient la semaine prochaine ! (ahhh) En attendant, comme d'habitude, n'hésitez pas à me donner votre avis sur la newsletter que ce soit sur Bluesky ou sur Discord. Je vous souhaite de passer une excellente soirée : bonnes vacances à celleux qui bullent au soleil, bon courage aux autres pour la semaine qui vient.

Peace, out ! ✌️